Dossier « Musique et Handicap »
- UFCV « Feuille de Vigne, décembre 2003 »
par stéphane hanquet – formateur INP à l’UFCV Bourgogne
La musique, un langage universel
Le terme de « handicap » ne rime pas avec incapacités ou incompétences. Bien au contraire… les réactions de certaines personnes en situation de handicap sévère ou très invalidant nous surprennent, surtout là où nous ne nous y attendons pas.
La musique est un langage universel, compris par tous, quel que soit l’endroit du globe. Nul besoin de connaître une langue pour communiquer, la musique fonctionne seule ; ce n’est pas par hasard qu’elle est utilisée à des fins pédagogique, thérapeutique, solidaire et communautaire… L’animation musicale – que ce soit par la voix ou les instruments à corde, à percussion – a toujours eu pour fonction de rassembler, attirant par son aspect auditif (production sonore), visuel (attitudes corporelles) et physique (danse, vibrations).
Cependant si certaines institutions culturelles proposent des cours de musique, elles privilégient le plus souvent le côté professionnel, tendant ainsi à masquer le plaisir musical ludique ou festif, individuel ou collectif… La musique y est souvent enseignée de manière traditionnelle : des livres avec des séries de portées musicales, remplies de partitions, toutes intéressantes en somme mais qu’il faut savoir déchiffrer avant d’être capable de les interpréter ! Les professeurs se trouvent bien démunis face au handicap… L’un des rôles de MESH, avec ses musiciens pédagogues et ses animateurs relais, est alors de rassurer et d’aider les enseignants dans leur démarche pédagogique.
Exemple d’ateliers de musique avec MESH
Fondée en 1984 par Magali Viallefond, l’association MESH s’est donnée pour ambition le développement des activités musicales en direction des personnes handicapées, quel que soit le handicap, afin de répondre au principe du droit à l’accès à la culture pour tous. En favorisant la mobilisation de tous les partenaires concernés par la musique et le handicap, MESH situe son travail à l’intersection de deux grands perspectives : l’intégration des personnes en situation de handicap dans la cité et l’accès à la musique pour tous. Les actions de MESH en faveur des personnes handicapées, se déclinent en plusieurs axes : la pédagogie musicale adaptée et la création artistique, la sensibilisation et la coordination d’un réseau local.
L’approche de la musique telle que la conçoit MESH peut se faire à l’aide de nombreux instruments, entre autres avec des Structures Sonores Baschet (SSB). Pourquoi privilégier ces Structures ? Nous nous sommes vite aperçus de l’impact positif que ces instruments professionnels très originaux avaient auprès de tout public, handicapé ou non. Ces Structures ne nécessitent aucun apprentissage laborieux : pour pouvoir les utiliser, il suffit juste de s’approcher de l’instrument… de le toucher… le caresser, le frapper, le pincer ! Peu importe le geste, le son harmonique et métallique qui sort de l’instrument impressionne…
Avec de tels instruments, il n’est donc pas nécessaire d’utiliser la parole : les gestes, les yeux et le silence peuvent tout dire. « A moi de te regarder pour chercher un contact, à toi de me regarder pour établir une relation musicale… Tu me poses des questions ? Je te réponds à ma manière en pinçant les instruments ! Cela ne te convient pas ? Mets-toi en colère ! Tape et je répondrai à ton appel… »
Cette activité musicale, accessible à tous, déroute souvent au vu de la simplicité des gestes demandés… Mais au final, elle peut être très riche en émotions et permettre de gagner une confiance qu’on n’imaginait pas. Dans les ateliers de musique où j’ai personnellement participé, les SSB deviennent magiques en ouvrant des voies de communication non verbales, simplement fondées sur le regard, l’attitude et le comportement adoptés.
Musique et handicap, c’est possible ?
Les personnes en situation de handicap réagissent toujours à ces activités. Comment ? Voici quelques exemples, en quelques lignes.
Les SSB ont la particularité d’être modulables ; leur conception permet de rajouter de longs bras métalliques autorisant ainsi les personnes handicapées motrices d’atteindre l’instrument et de l’utiliser à leurs convenance.
Il arrive parfois que ce soit difficile d’approcher l’instrument près de l’enfant handicapé. Souvent ce sera le cas dans le handicap mental ; l’enfant refuse simplement et purement l’instrument en s’en écartant ou en l’ignorant. Comment établir une communication musicale ou du moins un contact ? Surtout pas en imposant l’instrument ou en s’imposant : l’animateur-musicien doit pouvoir trouver le moment où l’enfant se montre disponible, capter l’instant où son attention est présente. Cette concentration peut durer tout aussi bien quelques minutes que quelques secondes !
Et les personnes déficientes auditives ? Elles n’ont pas la même notion de temps que les personnes entendantes : ne pouvant avoir une audition globale, elles « n’entendent » que leur propre pulsation personnelle, leur rythme interne… La difficulté de travailler avec des personnes sourdes de manière collective impose de développer l’écoute mutuelle.
Les approches peuvent être ainsi diversifiées (visuelles, tactiles, vibratoires, sonores, corporelles…) et adaptées à chaque handicap, à la déficience visuelle aussi. L’aspect tactile, sensitif, mais aussi le sens de l’espace environnemental sont alors développés, ce qui surprend parfois. Une fois les bases instrumentales installées, la personne handicapée visuelle peut aisément s’intégrer à un groupe musical.
Du point de vue de l’animateur
Les ateliers avec des personnes handicapées sont très « prenants » ; ils demandent une forte énergie et une grande expérience personnelles… L’animateur se remet constamment en cause ; il lui arrive d’être découragé car l’enfant réagit rarement comme il le souhaite ou encore refuse de rentrer dans la « bulle » musicale qu’il a créée.
Mais la formation qu’il a reçue lui permet de réagir à ces difficultés et de répondre à l’objectif pédagogique qu’il s’est donné. Il est indispensable d’avoir dans ses bagages une logique pédagogique et constructive pour proposer des ateliers de musique ; savoir s’adapter est aussi une des autres qualités requises !
Le mot de la fin
Pour l’avoir vécu, on ne peut qu’en redemander ! Malgré ma surdité profonde (-104 dB de perte), de 7 à 20 ans, j’ai voulu et pu suivre un cursus musical quasi traditionnel au Conservatoire National et Régional de Dijon puis dans une école de musique autour de professeurs qui ont su s’adapter à mon handicap et m’apporter les connaissances musicales et une motivation dont je me sers aujourd’hui. J’ai pu les enrichir par d’autres approches pédagogiques qui ne nécessitent pas nécessairement un long apprentissage en formation musicale.
C’est cela que j’aime partager.